Je sais pas vous mais moi, ces derniers temps, j'ai vu pas mal tourner cette image :
Illustration Bénédicte Moret (Zéro déchet Family !)
Elle a fait rire tout le monde, cette image....Et également, elle a fait parler. "C'est bien vrai ! " "Ya de quoi s'y perdre...."
Bin pourtant non, ya pas matière à se perdre.
Oui, je sais, cette image représente le flou dans la tête du consommateur qui cherche à faire au mieux, au mieux pour lui-même et au mieux pour la planète. Mais en réalité, les choses ne sont pas floues, elles sont même très claires. Si, si. Et d’ailleurs, cette image n’est pas une image isolée, elle fait partie d’un document très intéressant et très éclairant sur la question du local et du bio, document par ailleurs illustré par Bénédicte, de la ZD Family.
Ce flou est entretenu à dessein par des judicieuses campagnes de communication de la part des géants de l’industrie agro-alimentaire.... Car tant que c'est flou, tant qu'il y a un doute, le consommateur reste sur du conventionnel. Pourquoi irait-il en effet financer un truc plus cher dont en plus il n'est même pas sûr que c'est vraiment meilleur? C'est tout à fait logique. Les industriels de l'agro-alim l'ont bien compris, et usent TRES largement de ce levier en leur faveur.
Du côté du consommateur, pourquoi préfère-t-il du local conventionnel?
Il se trouve que je passe énormément de temps à militer sur la question, à discuter avec des gens, des gens virtuels, des gens réels, et du coup, je vais vous présenter quatre catégories d’arguments qui reviennent souvent et qui sont souvent mixés.
1/ Parce que c'est local. Précisément, c'est local ET moins cher.
Oui, mais les pesticides ne sont pas moins dangereux quand l'agriculteur habite près. Manger conventionnel, local ou pas, c'est manger des aliments nocifs et sans nutriments. Parce que même en local, la monoculture et la stérilisation des sols appauvrissent le substrat.... la terre n’a plus rien à apporter aux légumes…et les légumes n'ont plus rien à apporter à l’être vivant qui les mange. Alors oui, c'est local. Mais comme 90% des terres agricoles appartiennent à l'agriculture conventionnelle..... Il y a forcément énormément de local conventionnel près de chez vous. Est-il moins nocif pour la santé parce qu'il est issu du champ d’à côté ? Absolument pas.
2/ Parce que pour la planète, il vaudrait mieux du local-non-bio que du bio-de-l'étranger. Et le bio de l'étranger, on ne sait pas comment il est fabriqué... peut être même serait-il PIRE que le conventionnel français ? Déjà que pour beaucoup de consommateurs, le bio français n'incite pas à une confiance absolue...
Alors oui mais non, le bio de l'étranger n'est DU TOUT pas la seule alternative au local non bio. Et surtout, le fait qu'une certaine partie du bio vienne de l'étranger ne doit pas laisser penser que le local-non-bio est meilleur. D'abord, parce-que maintenant, du bio et local, c'est accessible presque partout, à condition d'accepter de manger de saison. Alors je sais que pour beaucoup, au-delà de 30 kilomètres, c'est plus local alors que plein de producteurs conventionnels le sont. Ils n’ont pas énormément de mérite à être locaux, ces producteurs conventionnels, car ils retiennent en otage occupent 95% du territoire (et polluent indirectement, via l'air, via les nappes phréatiques, via la pluie, les 5% restants qui tentent d'être le plus clean possible). Alors je vous dirais, A BaS Le PeRFeCTioNNisMe !! Le transport d'un produit bio, même pas local "juste" français, ne pèse rien en termes d'empreinte écologique par rapport au désastre sanitaire lié à l'utilisation des pesticides et engrais de l'agriculture conventionnel, fût-elle locale. Et même au-delà de la problématique environnementale immédiate, pensez aux dispositifs coûteux en énergie pour restaurer une qualité potable à l’eau, et aux dépenses publiques liées aux maladies engendrées par l’ingestion et l’exposition quotidienne et répétées aux substances toxiques de nos organismes.
3/ Parce que on sait jamais, si ça se trouve ce qu'on achète, c'est du "raisonné"?
Alors soyons honnêtes avec nous-mêmes. TOUS les agriculteurs conventionnels ont intérêt à dire qu'ils sont raisonnables. Raisonnables.... dans l'utilisation de pesticides dangereux pour la santé des hommes et de l'écosystème. Mais raisonnable, c'est une notion très subjective...... Et très très peu le sont vraiment. Sinon, comment la France pourrait-elle être le premier, sur 28 pays européens, consommateur de pesticides ? C’est pourtant la réalité, le sommet du podium est pour nous (la 2e place, selon certaines études, mais on se bat vraiment de très près avec l’Italie). Notre pays l’était déjà en 2006, et depuis, le tonnage a même encore augmenté ! Et vous savez quoi ? Nous sommes même sur le podium mondial, au 3e rang, derrière les Etats-Unis et l’Inde. Et devant les 192 autres pays de la planète. Je vous laisse découvrir les chiffres ici et là.
Je ne dis pas qu’il n’existe aucun producteur réellement raisonné. Mais qu’ils sont énormément peu. Or, tout le monde dit, pense ou espère acheter du raisonné…. Et ceci alors même que tout le monde ou presque fait ses courses en grande surface. Le décalage entre le discours des consommateurs et la réalité des chiffres du tonnage de la consommation de pesticides, me fait penser à la question des œufs, ou de la viande : tout le monde dit manger des œufs de poule heureuse, ou de la viande de bêtes élevées dans des conditions « dignes ». Comment est-ce possible alors que 97% des œufs vendus en France soient issus de poules qui ne voient JAMAIS la lumière du jour ?
Je suis désolée, mais être à la fois les champions de la consommation de pesticides ET les champions de l’agriculture raisonnée, c’est strictement impossible et illusoire.
L’agriculture raisonnée, c’est comme l’œuf de poule heureuse, c'est l’arbre qui cache la forêt, arbre providentiel pour le lobby agroalimentaire car il lui offre l’occasion en or de pratiquer ce que j’appelle l’éthique-washing. En voici le mécanisme : bien que l’agriculture effectivement raisonnée soit largement embryonnaire, les entreprises agroalimentaires se saisissent de l’espoir ainsi suscité auprès des consommateurs pour que la confiance rejaillisse sur l’ensemble de la production agricole, pourtant à 90% ultra-consommatrice de produits nocifs. Tout ça, au moyen de campagnes de communication savamment orchestrées. Le but est tout à fait atteint, puisque "dans le doute", le consommateur achète du conventionnel moins cher, puisque finalement, le raisonné étant dans l'air du temps, "si ça se trouve, c'est du raisonné"... Mais en réalité, à moins de connaitre le producteur personnellement, on ne le sait pas. Et ce doute n’a « que » 5% de chance de pencher du bon côté, soit 95% de risque d’être aspiré par le mauvais. Et c'est ainsi que 9 consommateurs sur 10 achètent à l'aveugle en espérant que ça soit un peu moins nocif. En l'espérant.... Sacré pari que celui qui amène à mettre en jeu sa propre santé avec une espérance de gain de seulement 5% !
4/ Parce que certains consommateurs ne « croient pas » au bio ou « ne font pas confiance » au bio.
Alors je précise de suite, mes propos ne sont pas une critique, et pour cause…. J’ai fait partie de cette 4e catégorie pendant la majorité de ma vie d’adulte.
Cette 4e catégorie concerne
- les personnes qui pensent que les producteurs bio utilisent en douce plein de pesticides interdits par la charte parce que la tante de la cousine de la sœur du voisin a vu un camion de livraison suspect entrer dans une exploitation bio;
- les personnes qui soutiennent que les produits acceptés dans le bio sont PIRES pour l’environnement et la santé que dans le conventionnel;
- et les personnes qui pensent que finalement, entre la pollution de l’air, de la pluie, des sols, de la nappe phréatique, nul ne peut garantir un produit 100% bio et donc partant de là, le bio est une supercherie…
Deux choses importantes : certes l’environnement est pollué. Comment pourrait-il en être autrement dans le pays 3e plus gros consommateur mondial de pesticides ? Mais est-ce une raison pour, du coup, financer par nos achats l’agriculture qui pollue tous les sols, l’air, et qui donc, interdit le droit fondamental des êtres vivant de notre planète à pouvoir faire le choix de respirer un air sain, de boire une eau saine, de manger des légumes parfaitement exempts de produits de synthèse, cancérogènes et destructeurs ? Oui 100% bio n’est plus possible, et c’est bien dommage, mais en continuant d’alimenter la demande en légumes conventionnels, on aggrave encore le processus… Pourquoi ne pas se poser la question suivante : « Pourquoi utilise-t-on en France autant de pesticides ? » et « Quel rôle la demande et l’exigence du consommateur dans cette problématique ? »
Et la seconde chose qui ressort de cette 4e catégorie d’arguments, c’est toujours le doute, ce même doute qu’évoqué en début d’article, et qui conduit à ne pas souhaiter dépenser plus pour quelque chose qui, potentiellement, peut ne pas être mieux.
Certes. Mais à côté de tout ça, certaines choses sont avérées. Les pesticides utilisés dans l’agriculture conventionnelle et raisonnée sont notoirement dangereux, pour la flore, pour la faune, pour la santé humaine et animale, et ce quelle que soit la quantité utilisée. C'est sans appel. Il y a un effet de seuil et d'accumulation car tout ou presque ce que nous achetons en conventionnel contient ces résidus : une étude, diligentée par l'association "générations futures" avait retrouvé 200 fois plus de traces de pesticides dans un caddie non bio de supermarché traditionnel que dans le même caddie, mais bio, et 37 traces de pesticides différents dans un repas non bio "ordinaire" ! Rappelons quand même que ces substances ne sont absolument pas comestibles et s’accompagnent de logos sans équivoque.
Chaque fois qu'on achète du conventionnel, même local et même raisonné, on engraisse les grosses firmes agro-alimentaires, productrices de ces engrais et pesticides, et on finance la mise à mort de notre écosystème, la prolifération des lobbys visant à interdire les semences non brevetées et anciennes, la totale dépendance alimentaire des pays à cette industrie. On favorise, d'un point de vue géopolitique, la propension des pays riches à influer sur les pays les plus pauvres par le biais du contrôle des apports alimentaires et on donne des armes aux dictateurs pour oppresser leurs propres populations. On laisse la possibilité à quelques-uns d'affamer ou de couper les vivres à tous les autres. On oblige l'alimentation, qui devrait rester possiblement gratuite, comme l'air qu'on respire, en tant que primordiale à notre survie, à passer intégralement dans un système financier et donc, discriminatoire.
L'autonomie alimentaire, un droit fondamental pour tout être vivant?
Donc le doute et le flou dont je parlais au début de l'article ont en réalité bien plus de conséquences qu’on imagine de prime abord. Et une fois encore, ce sont les plus pauvres, ceux qui d'emblée ne s'imaginent pas avoir accès à une nourriture plus éthique, qui financent massivement le système qui les y contraint. Avec la double-peine qui va avec, l'augmentation des problèmes de santé ET la mauvaise couverture sociale.
Alors voilà.
Moi, je soutiens, que tout ça, local-bio-ou-bio-pas-local, c'est un faux débat. Une pomme produite localement en non bio, elle l'est aussi en bio. Peu importe qu’on trouve AUSSI des pommes bio du chili : il suffit juste de ne pas acheter la pomme bio du chili mais d’acheter la pomme bio locale. Et à l'inverse, une banane bio qui viendra de l'étranger, n'aura pas d'équivalent en non bio ici en métropole. Soit on est prêt à consommer local, c'est à dire, ce qui est produit ici, sous notre latitude (à bas le perfectionnisme, inutile de se dire si c'est à plus de 30 km je prends pas), et dans ce cas, oui, l'alternative bio française et le plus souvent locale existe, soit on consomme des produits qui ne poussent pas chez nous en cette saison, mais alors, le bio-de-l'étranger ne saura être mis dans la même balance que le local non bio. Bio ou non bio, si ça pousse pas chez nous, ça pousse pas chez nous, et en matière de fruits et légumes, rien ne nous oblige à acheter du bio de l'étranger (emballé ou non) si ce n'est notre bensoin/envie de consommer un aliment qui ne pousse pas chez nous ou pas à cette saison...ce qui fait que local-non-bio et bio-de-l'etranger ne sont du coup pas comparables. Bien sûr, je me focalise principalement dans cet article sur la question de la culture des légumes et fruits frais, mais je me suis posé en parallèle la question pour les produits secs/transformés, je vous raconterai ça plus en détail dans l'article-contribution au défi d'avril de Natasha, "découvrir les aliments locaux". ***coming soon soon soon !!***
Donc en réalité, les choses sont simples.
Dans notre consommation, soit on accepte de manger plus simplement et de saison (et alors le problème se simplifie considérablement en "conventionnel ou bio"), soit on en est pas encore là. Mais quel que soit l'endroit où l'on en est de notre cheminement, il est urgent d'arrêter d'entretenir des faux débats qui font la joie et la fortune de firmes et lobbys agro-alimentaires.
Non, il n'y a pas de flou entre local OU bio.
En revanche, il existe un vrai débat sur la question suivante "est-on prêts à revenir sur des habitudes de consommation modernes amenant à ne pas consommer local ?" Autrement dit, est-on prêts à renoncer aux bananes, aux oranges, aux avocats, aux tomates en hiver? (ha ha, on me dit dans l'oreillette qu'on produit des oranges dans le sud, TROP DOMMAGE POUR MOi qui habite dans le grand nord !)
C'est une vraie question, qui n'amène aucun jugement de ma part, quelle que soit la réponse. Il ne faut pas avoir honte de la manière dont on consomme, juste être lucide: "à un instant T, ma limite, c'est celle-là".
Personnellement, je mangeais encore des agrumes, des avocats et des bananes l'hiver dernier, je n'étais pas prête. Je mangeais encore des fruits et légumes non bio et hors saison il y a encore deux ans.
Déconstruire sa consommation, mettre en place une nouvelle, ça prend du temps, et je n'ai pas du tout échappé à cette règle. Mais par contre, je n'étais pas dupe de ce faux débat, et j'étais bien consciente que ce n'était pas un problème d'offre (local OU bio) mais un problème de demande (MA demande, MON "besoin" de fruits/légumes qui ne sont pas locaux ou pas de saison).
Me sentir responsable de ma consommation et de ses conséquences, mais refuser le boulet de la culpabilité, m'a permis de cheminer, d'aller de l'avant. Je suis passée probablement par les mêmes les étapes que vous...En particulier, la barrière du prix. Comme vous le savez (ou pas), je suis très engagée sur la question et si vous avez besoin de solutions concrètes pour modifier et maitriser votre budget alimentaire pour avoir accès à une nourriture plus saine même pour un budget restreint, j'ai écrit toute une série d'articles, et en particulier celui-là. Vous pouvez également vous rendre ici et être accompagné(e ) dans ce changement au quotidien. Si vous me suivez, vous savez que je ne plaisante pas, puisque mon budget alimentation est de 300 euros pour 4 par mois, en 100% bio, et que pour ce prix là, on mange très équilibré et tout à fait à notre faim…
... Mais effectivement, de saison, et très majoritairement local.
Alors, êtes-vous prêts à affronter vos habitudes de consommation,
et en particulier la question de la diversité des fruits et légumes
accessibles de manière immédiate et quotidienne ?