Bien sur, stricto sensu, vegan = sans matières animales. Alors finalement, une chaussure synthétique à bas prix, toujours stricto sensu, c'est vegan. OK.
Oui mais voilà, je ne suis pas QUE vegan, je suis aussi très préoccuppée par les problématiques environnementales et soucieuse de réfléchir à l'empreinte que ma consommation laisse, mais aussi à l'éthique qui est derrière.
Alors, voilà le dilemne.
D'un point de vue purement environnemental, ce qui laisse le moins d'empreinte, c'est acheter les objets d'occasion. Les chaussures synthétiques bas de gamme résistent rarement jusqu'à être livrées à une seconde vie, donc la plupart du temps, les chaussures d'occasion intéressantes, sont en cuir.
Alors certes, la bête est morte, sa mort a été financée par l'achat initial, l'objet qui arrive chez le second consommateur est en quelque sorte "blanchi" : on pourrait dire, plutôt l'user que de le jeter, ça serait tuer une seconde fois l'animal.
Oui, mais...porter du cuir, acheter du cuir de seconde main, ça reste encourager le besoin, la demande, et l'idée que l'on ne peut s'en passer. D'une part. Mais surtout, cela reste à mes yeux de la peau d'être vivant, qui a vécu, souffert et décédé prématurément à cause de la folie consumériste humaine moderne. D'autant que toutes les vaches ne servent pas à l'industrie de la chaussure, seules certaines sont sélectionnées en fonction de certains critères. Et enfin, même si l'on était tenté de se dire "elle est tuée pour sa chair de toute façon, autant tout utiliser pour ne rien gacher", cela veut dire qu'encourager l'industrie du cuir, c'est participer, en la finançant en plus !!... à l'horreur de l'industrie de la viande.
Pour quelqu'un qui refuse de manger de la viande, ce serait tout de même un comble, non?
Et puis, je n'achèterais jamais de la fourrure d'occasion, pourquoi achèterais-je du cuir d'occasion? C'est la même chose finalement.
Les chaussures synthétiques bon marché, outre le fait qu'il soit difficile de connaitre tous les composants (colles en particulier) et tout ce qui relève du process de fabrication et qui peut mettre en jeu des matières animales, ont un bilan écologique et éthique absolument désastreux. Entre le lieu de production de chacun de ses composants, puis le transport de chaque pièce sur son lieu d'assemblage, souvent des pays pas très conditions-de-travail-friendly employant des ouvriers pas toujours adultes dans des conditions souvent inhumaines voire insalubres, leur emballage, leur suremballage, leur transport vers le pays de destination, jusqu'au dernier sac plastique donné par l'enseigne pour que le consommateur transporte la boite à chaussure jusqu'à sa voiture (le plus souvent, quelques mètres !!), c'est la grosse cata.
Restent les chaussures vegan, conçues par des vegan pour des vegan. Souvent vendues sur des sites internet, quelques uns en France, très peu, quelques uns en Angleterre (j'ai viré d'office de ma recherche ceux en dehors de l'UE pour limiter tant bien que mal le transport). Alors bien sur, et surtout pour les chaussures d'hiver, c'est du synthétique issu de la pétrochimie. Donc gourmand en ressource pour sa fabrication. Mais le cuir, entre la vache et la chaussure, la manière dont la peau est extraite, traitée, les déchets, le gachis, les divers colorants et additifs, je ne suis pas persuadée que le bilan écologique soit significativement plus mirobolant.
Enfin bref. Très souvent, ces fabricants, affichent des productions à l'intérieur de l'UE, et une attention particulière à la dimension humaine de la production. Pour les chaussures que je recherchais, je n'ai pas trouvé de modèles ici en France, mais j'en ai trouvé en Grande Bretagne. Le côté vente par internet me gêne, clairement, je ne fais plus que très peu d'achats par ce biais, j'ai énormément de mal avec un transport particulier pour un unique objet, ici, une boite à chaussure, jusque chez moi.
Alors, j'ai hésité. Procrastiné. Plusieurs semaines. et il a commencé à faire froid, et j'ai commencé à avoir froid aux pieds, il a fallu que je tranche : je n'ai pas surmonté mon malaise envers le cuir de seconde main et j'ai opté pour des chaussures véganes anglaises en VPC. Tout ça pour dire que j'ai eu l'impression de devoir choisir entre la peste et le choléra, et que jamais je n'aurais pensé ressentir cela pour de "simples" chaussures... Comme quoi, parfois on empreinte un chemin sur lequel il est très difficile de revenir en arrière, et qui nous amène parfois à des dilemnes inconfortable. J'ai clairement eu l'impression de devoir choisir entre mes convictions concernant les animaux et celles concernant l'économie écologique.
Parce que pour une paire de chaussure, c'est un sacré volume de déchets qui auraient pu être évités et qui sont chaque jour dupliqués par milliers à travers le monde : les boules de papier de soie enfoncées dans les chaussures, là il y avait même du polystirène, tout ça pour que le consommateur ait des chaussures pulpeuses et sexy quand il les sort de la boite et les voit pour la toute première fois. Je sais qu'on a pas deux fois l'occasion de faire une première bonne impression, mais quand même... Ce n'est pas un entretien d'embauche, c'est juste une paire de chaussures ! Il y avait encore du papier, cette fois ci à l'extérieur, pour faire joli quand on déballe, la facture, que j'avais déjà reçue sur ma boite mail, les chaussures étaient avec tout cela enfermées dans une boite en carton, elle même emballée dans un linceul de plastique. Mais... Pourquoi le plastique? Scotcher le carton et y coller mon adresse dessus n'aurait-il pas suffi pour le transport?
Bien sûr que si, mais ça aurait abîmé le carton.... MaLHeuR ! Résultat, plein de déchets pour rendre la présentation jolie, plein de plastique pour protéger du carton.
Le tout répété pour chaque paire envoyée individuellement chez le client.
Je vous laisse admirer le volume voué à être jeté :
Je ne vois vraiment plus les choses de la même manière.
De la même manière que je ne regarde plus le fromage ou un sac en cuir avec envie mais avec tristesse, j'ai changé mon regard sur toutes ces choses programmées pour finir dans les poubelles, au mieux recyclées, au pire incinérées. Avant, je ne les voyais même, pas ces objets, ils partaient direct à la poubelle sans même imprimer ma rétine ni ma conscience. Maintenant je vois des gens qui fabriquent ces choses à usage unique destinées à la poubelle, et l'absurdité de la chose d'un point de vue économique et environnemental. Des gens qui ne sont pas bien rémunérés, ni heureux, même ici en Europe. Je vois les montagnes de déchets induits par ce comportement consumériste toujours plus individualisé, des ressources pour les créer, des ressources pour les traiter ou les détruire... Pour des consommateurs qui ne les regardent même pas.
A tel point que je m'interroge sur le fait dorénavant, lors de ces achats par internet (et il n'y en a fort heureusement que très peu maintenant ici), de renvoyer le carton rempli de ses déchets inutiles à son expéditeur, en accompagnant le tout d'un mot explicatif poli et cordial. Après tout, je refuse systématiquement tout emballage inutile, toute facture inutile, dès que je le peux, dans la vraie vie. Pourquoi ne pas faire de même pour la vente par correspondance, afin que ces magasins dématérialisés soient amenés à réfléchir à la manière de réduire eux aussi leur empreinte environnementale? Après tout, tous ces déchets, ils les achètent pour les placer dans les colis, ils représentent donc un coût financier pour eux...