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J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Hier soir, j’ai vu demain. Et j’ai pleuré.
Non pas d’angoisse pour une fois, mais d’espoir.

Non non, ne me prenez pas pour une folle, je parle de Demain, le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, que j’ai vu hier en avant-première grâce  au réseau tissé à l’occasion de cette géniale expérience qu’a été la conception du village des alternatives de l’Alternatiba de ma ville.

J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Alors comme souvent, je ne me documente pas à l’avance sur ce que je vais voir, j’aime être surprise par le film. A tel point qu’une anecdote cinématographique qui va suivre me poursuivra jusqu’à ma dernière heure…j’ai littéralement saoulé mon mari pour aller voir « la suite de la planète des singes », dont j’avais vu la bande annonce. Le film commence, le film s’avance, … pas l’ombre d’un singe. Mais des chacals… et jamais de singes. Bin non finalement, Oblivion n’était pas la suite de la planète des singes, « juste » réalisé par la même équipe de production…. Surprise, surpriiiiiise, je m’attendais à des singes, j’ai eu un tétraèdre, des chacals, des clones et un gros robot-incinérateur.
« I’m sorry to hear that, Vika, are you still an effective team ?” “no. we are not an effective team”.

 

 

J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Ceci dit, vous pouvez bien ricaner comme le fait mon mari à chaque fois que l’anecdote revient sur le tapis, c’est toujours des films, bons ou mauvais, blockbuster ou pas, traitant d’une illusion collective, tels Oblivion justement, qui sont restés dans ma mémoire, qui ont imprimé ma rétine, au sens d’une marque inconsciente, au sens de la graine semée qui fait petit à petit son chemin vers la lumière. Je vais y revenir ensuite.

Bref, je ne me suis pas documentée, j’ai fermé mes oreilles… mais je n’ai pas oublié de débiter 5 jeux de mots et demi à la minute sur le titre, of course, amuser la galerie, ça je n’oublie jamais. « Aujourd’hui, je vais voir demain ! » « Rendez vous après demain pour demain »  « demain je vous raconterai comment hier j’ai vu demain ». B.R.E.F.

Et donc, HIER à la projection de l’avant-première de Demain, je me suis prise une claque, une vraie, mais les plus belles claques sont celles auxquelles on ne s’attend pas. Espoir… J’avais déjà ressenti  ce mot pendant la préparation de Alternatiba Evreux, mais là c’était un vrai tsunami d’espoir.
Vous ne le savez peut être pas, mais mon premier métier, c’est psychologue clinicienne. Et Lacanienne. Si si, j’ai passé 8 années de ma vie sur les bancs de la fac, puis j’ai exercé avec des enfants, puis… la vie m’a fait changer de métier. Pour plein de raisons. Je m’accommode très bien de ma vie professionnelle actuelle, moins ambitieuse, moins intellectuelle, moins payée aussi, car elle me permet de voir grandir mes enfants et de participer à leur vie.  
Enfin bref. J’ai croisé, durant mes études, mes stages et ma première vie professionnelle, cette étrange position psychique qu’est la mélancolie. Pour faire court et très schématique, la mélancolie, en tant que position psychique, est caractérisée par un sujet qui se vit comme déjà mort, comme un mort en sursis, comme un mort-vivant. C’est un sujet pour lequel le voile imaginaire et signifiant qui vient embellir et rendre le réel acceptable et compréhensible, la culture, l’éducation, n’est plus. Ce sujet, il est aux prises directes avec la réalité de la finitude humaine, on est mortels, la mort est inévitable, et il n’a aucune défense contre l’angoisse qui émerge de cette réalité crue.
Pour tous les autres êtres humains, on SAIT intellectuellement qu’on est mortels, mais l’écran, de la culture, de l’éducation, de l’imaginaire personnel, maintient cette idée à l’état d’idée. Oui on est mortels, mais c’est loin, ça ne nous concerne pas vraiment, ça n’arrive qu’au voisin, il faut être malade, ou alors c’est pas de chance, bref l’angoisse est mise à distance.
Pour le sujet mélancolique, cette finitude, il la vit et la ressent dans son corps au quotidien et cela le plonge dans un état d’angoisse pure. Cela peut se traduire dans sa vie par toute une gamme de fonctionnements, d’attitudes, de comportements, de schémas de pensée, qui peuvent aller de la prostration, de l’angoisse de sortir de chez soi, à des choses plus tragiques mettant réellement en scène la vie et la mort.

Il y a quelques années, j’ai eu des enfants et j’ai commencé à voir la vie différemment. La vie et la mort, en fait. La mort est devenue pour moi impensable, insoutenable, car potentiellement elle pouvait toucher les deux êtres les plus essentiels à ma propre vie que sont chacun de mes enfants. Depuis leur naissance, mon empathie a décuplé, et comme j’ai arrêté mon analyse pendant ma première grossesse (OUI, je sais, pas bien), c’est un vrai point de vulnérabilité chez moi.
Et puis, j’ai heurté les problématiques environnementales, et leurs conséquences très concrètes. Ici et maintenant, j’ai réalisé que c’est de mon vivant que les choses allaient changer, j’ai réalisé que j’ai mis au monde deux enfants qui seront probablement jetés dans un futur très complexe. Les guerres et leurs cohortes de réfugiés climatiques ont déjà commencé, voir ce qui se passe actuellement en Syrie par exemple. L’eau, le  dérèglement climatique, les conséquences sociétales de tout ça, j’en ai réellement pris conscience en 2012. Je veux dire, pas intellectuellement, avant je le savais mais finalement, c’était encore à long terme dans ma tête. Quand j’ai réalisé que ça serait la vie de mes enfants, dans tous les sens du terme, qui serait en jeu si cet aveuglement collectif continuait, la prise de conscience a été différente, elle s’est traduite dans mon corps, par des crises d’angoisses, par des rêves à la Mad Max. Une sorte de panique, et de remords envers mes enfants qui vont devoir assumer les conséquences de nos, de MES actes antérieurs. Sans que je sache concrètement comment les préparer à ce futur sans pour autant me la jouer à la Sarah Connor dans Terminator 2. Vous savez, cet épisode où John Connor, adolescent, est en famille d’accueil et persuadé d’avoir une mère complètement folle, et d’ailleurs internée, qui ne cesse de lui répéter que la fin est proche et qu’il doit se préparer à affronter et combattre…

J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Je ne suis pas Sarah Connor, pour autant j’ai souvent pensé à ce film. Où est la folie, où est la réalité ? J’ai repensé à cette position mélancolique : suis-je comme ces sujets, devant faire face à un voile imaginaro-signifiant troué ? Bien sûr, des mélancoliques (au sens lacanien du terme, j’entends) il y en a eu de tout temps. Ils ont vécu dans le sentiment que la fin du monde était imminente, or de fin du monde il n’y a jamais eu : c’était bien sûr une projection de leur propre finitude humaine sur leur monde, sur le monde. Or, moi j’ai cette impression qui me colle aux baskets que la fin du monde est proche, tout du moins la fin de ce monde tel qu’on le connait. De ce monde économique, de ce monde moderne, du fait des conséquences du dérèglement climatique. Mais voyant que personne ou presque, ne bouge, observant les gens dans le bus, dans le supermarché, à la pompe à essence, dans le self le midi, voyant que personne ne s’en soucie, je me suis plusieurs fois posé cette question : « qui a raison, c’est eux ou c’est moi ? » « Suis-je folle, ou sont-ce eux qui sont aveugles ? »
Bien sûr, les études scientifiques sont alarmantes, très alarmantes, mais il y a une dichotomie, un fossé, un mur, énorme, entre le commun des mortels, qui, bercé par la publicité, par les incitations à la consommation, n’a qu’une conscience partielle de la situation et se sent complètement impuissant de toute façon, et l’élite, les gouvernements, qui sont censés protéger, trouver les solutions et prendre les bonnes décisions pour leurs citoyens, citoyens qui les ont élus au cours d’un processus censé être démocratique. En conséquence, si les gouvernements ne font rien, c’est que la situation n’est pas si alarmante… c’est que ce n’est pas pour tout de suite. Le nucléaire est nécessaire, l’agriculture intensive aussi, la preuve c’est qu’il n’y a eu aucune grande famine [en occident] depuis sa mise en place ! Les OGM vont permettre de nourrir le quart monde…alors même qu'ils sont interdits en occident : aucun problème! Et même si Bruxelles les autorise dans mon assiette et que je ne suis pas d’accord, qu’y puis-je ? Si on va sur ce terrain, autant ne plus rien manger ! Et la consommation ? Si on arrête de consommer, le monde va être englouti dans une récession globale et une immense guerre civile…

En voyant les autres, je me sentais telle une citoyenne de Zion, réveillée par Morpheus. Parfois regrettant mon réveil, parfois révoltée de l’illusion collective dans laquelle mes congénères restent pris. Illusion largement maintenue par nos gouvernements, quels qu’en soient le bord, et par les lobbys industriels, pétroliers et agro-alimentaires…

J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Je me dis parfois que ce n’est pas pour rien que je suis fascinée par les fictions, Matrix, Oblivion, mais aussi en BD John Difool, traitant de cette illusion collective, et ce depuis bien avant cette prise de conscience.
Eh bien Demain, le film, m’a donné un espoir incroyable. En tant que citoyen lambda, on est pris dans le discours culturel et politique ambiant, quoi qu’on en dise…ici en France, les écolos sont des utopistes des hippies, ou des bobos, l’écologie est une préoccupation de personnes riches et/ou cultivées, les ENR sont minoritaires et ne sauraient assurer l’indépendance énergétique du pays, le nucléraire est notre sauveur. La consommation perpétuelle qui gouverne notre système économique est la seule possible, il n’y a pas d’alternative viable : ceux qui pensent pour nous, les intelligents, ceux qui ont fait moultes études en économie, ceux qui ont fait l’ENA, qui nous gouvernent et en qui nous avons confiance, ne cessent de nous le dire : toute affirmation contraire est un mensonge éhonté.

Oui, eh bien NON. Ce film montre comment, au sein même de ces pays occidentaux responsables de ce dramatique changement qu’est en train de connaitre notre planète, toute cette illusion est démontable, et démontée, par des CITOYENS. Par de simples citoyens, par vous et moi. La différence avec moi (et peut être avec vous ?) c’est qu’ils ont arrêté de se dire « ça ne sert à rien que je fasse quelque chose si le voisin continue à faire deux fois pire » et ont AGI. J’agis tous les jours, j’éduque mes enfants, depuis des années, mais je peinais jusque-là à avoir la vision de ma façon de faire étendue à l’échelle d’un quartier, d’une ville.
Et pourtant. Ce film montre, dans la joie, dans la simplicité, des changements de paradigme concernant l’alimentation, la consommation, l’économie, initiés par des gens comme vous et moi, propagés auprès de citoyens comme vous et moi… pour parfois en arriver à un changement à l’échelle d’un pays.
Un pays en passe de changer sa constitution sur initiative citoyenne, une ville capable de mettre en place un dispositif permettant à 67% de ses habitants de se déplacer sans voiture sur un rayon de 80 (quatre vingt ! ) kilomètres ? Un pays en passe de fonctionner entièrement aux ENR produits localement ? Une mégapole en passe de nourrir en toute autonomie la moitié de ses habitants (soit près de 300 000 personnes !) et sans pesticides ? Ce n’est pas une fiction, c’est la réalité. Et ça se passe dans des pays culturellement très proches du notre, et d’un niveau de richesse/pauvreté équivalent. Ce qui m’a sauté à la figure en regardant ce film, c’est le carcan du discours social, politique et culturel local dans lequel on est pris, même moi qui déconstruis pourtant tout cela depuis des années. Ce film m’a permis de décaler ma tête d’un  huitième de tour, de changer mon regard et de voir des choses qui étaient encore hors de mon champ de vision.

OUI on peut se passer du nucléaire, même ici en occident, OUI on peut sortir du paradigme de la croissance continue la tête haute, OUI une ville comme Paris peut adopter une politique zéro déchets. Des solutions innovantes existent, sont atteignables, et  mises en œuvres dans des pays avec lesquels nous pouvons sans difficulté nous identifier, nous occidentaux modernes.

E.S.P.O.I.R.

J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Vous qui me suivez, (et plsieurs milliers en plus, mazette!), vous me suivez tous pour des raisons fort différentes : Les questions purement budgétaires, les menus véganes, le zéro déchet et la valorisation de tout ce qui peut se valoriser. Toutes ces thématiques ont un réel fil rouge. Je me reconnais vraiment dans ce film, qui donne une cohérence à tout cet ensemble. Je ne suis pas folle, je ne suis plus seule, ma famille n’est plus seule. Ce film, me donne la force d’assumer mon ressenti et mes actes, d’assumer l’éducation que je donne à mes enfants. Il me donne la force non pas de raccommoder le voile culturel qui s’est déchiré pour moi, mais d’en tisser un nouveau, fait de solidarité, de revalorisation et de récup.

Alors vous l’aurez compris : GO Demain. Il sort en salle le 02 décembre, mais sans doute une avant-première passera près de chez vous ? Laissez- vous émerveiller par la projection d’un puzzle de différentes petites tranches de réalités laissant entrevoir un futur plus simple dans son mode de vie, mais moins tumultueux. Il n’y a qu’ensemble que nous pourrons atteindre ce but. Vous, moi, chacun d’entre nous. Je vous le disais ici déjà il y a quelques temps, nous sommes la clé. En quelques décennies l’être humain a ruiné sa planète, nous y avons tous participé largement.  Mais ne nous laissons pas paralyser par la culpabilité et l’impuissance : servons nous au contraire de ce constat comme d’un moteur pour avancer dans le bon sens, collectivement. C’est nous qui avons le pouvoir, c’est nous les consommateurs, ce sont nos choix quotidiens en matière de consommation, petits et gros,  qui financent l’une ou l’autre destinée de la Terre et de nos enfants.

J'ai vu Demain...et j'ai pleuré.

Non ce n’est pas une utopie, d’autres l’ont fait, d’autres le font à l’heure actuelle.
Pourquoi pas nous, ici, maintenant ?

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N
Merci pour cet article. Je vais voir ce documentaire ce soir, et je suis sûr de ne pas être déçue.
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F
Merci pour ce cri du coeur pour cette sincérité . Pour ces mots justes .Voilà peut être pourquoi tu as de nombreux lecteurs.Merci pour ce que tu donnes.Françoise
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L
oooh merci pour ton comm Françoise !
J
En avant première à ELBEUF le 12 octobre
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L
Hello Jean-Yves ! tu y seras ?
A
Wopitin !!! Ton article donne la chair de poule !!!<br /> Tout ce passage sur la mélancolie, la finitude... (en te lisant, je me suis rappelée que tu avais étudié à Rennes, ma soeur est partie à Lyon pour échapper à Lacan ;) ) Puis ce cri du coeur à la fin en voyant les possibilités s'ouvrir et en réalisant qu'une toile se tisse...<br /> Rhaaaa que j'aimerais en faire plus, faire mieux...
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L
lol mais pourquoi échapper à Lacan ? c'est rigolo parce que moi j'ai choisi cette école de pensée :p<br /> <br /> en tout cas merciiiiiii pour ton comm !