En ce moment, mais je crois que si vous me suivez ça n'a pas pu vous échapper, j'éprouve une grande lassitude quant aux normes sociales qui forment le socle de notre culture actuelle.
J'ai d'abord égratigné le rapport au travail et à l'argent, puis les normes modernes régissant le degré de perfection du parent moderne.
Aujourd'hui, j'ai très envie de dire un énorme MERDE (voui, le truc marron et qui pue !) à l'idéal moderne d'avoir un mari/mec/compagnno/conjoint/homme parfait. Et surtout, à la manière exacerbée autant qu'artificielle dont cette norme est véhiculée, propagée dans les réseaux sociaux. A quoi ça sert de s'autoriser à pas être parfait, si c'est pour devoir à côté justifier de l'imperfection de la personne qui partage notre vie ?
Comme s'il n'e suffisait pas déjà assez de nous justifier sans cesse de ce que nous faisons, de ce que nous ne faisons pas, de ce que nous ne faisons pas assez, il faut AUSSI se justifier sans cesse sur ce que l'homme de la maison fait et plus précisément, ce qu'il ne fait pas, pas toujours, pas assez, sur ce qu'on ne dit pas qu'il fait ou ne fait pas, BREF.
Ne vous méprenez pas sur mon propos. Il ne s'agit en aucun cas de justifier le fait que certains se la coulent douce aux frais de la princesse. Mais je vous demanderai également de vous abstenir, en commentaire, de détailler le partage des tâches chez vous, car précisément, cet article a pour but de se questionner sur ce réflexe, son origine, et sur ce qu'il vient dire des normes sociales actuelles concernant les couples modernes. |
Cette précision étant dite, venons-en au fait : en ce moment, pour être identifiée comme une femme accomplie et bien en phase avec les standards de notre société, il FAUT vivre avec un homme qui cuisine, fasse le ménage et s'occupe des enfants, bref, qui participe aux tâches qui incombaient "avant" aux femmes. A hauteur de la moitié, c'est même parfait. Et il faut le dire haut et fort, il ne faut surtout pas oublier de le préciser, car sinon pointe la remarque : "et ton homme? il fait quoi?" ou "ce qui me choque c'est que ton homme ne fasse rien.."
D'un coup, ce n'est même plus "si tu n'as pas une rollex à 50 ans, tu as raté ta vie " mais "si tu n'as pas un mec qui pratique le partage des tâches de lui même et sans râler, tu as raté ta vie de femme".
Cette norme sociale moderne fait partie de celle qui oriente notre manière inconsciente de penser les choses, notre filtre de perception en quelque sorte, et à travers ce filtre, ce qui doit être, c'est ça : un partage idyllique des tâches ménagères où homme et femme se complèteraient joyeusement et sans rechigner, sans se poser de questions, sans heurts.
Bin, je suis désolée mais c'est loin d'être le cas le plus courant, en fait, mais le problème, c'est que cet idéal est d'autant plus féroce qu'il est communément considéré comme étant DEJA acquis.
Sauf que dans la vraie vie, quand on discute avec des personnes qu'on connait depuis longtemps, quand on les voit vivre, quand on les côtoie, on se rend compte que ça ne colle pas avec les statistiques que laissent imaginer les réseaux sociaux ni à l'image véhiculée par la télé, les médias, les magazines, les romans, les bd, le cinéma, bref, tout ce qui constitue comme je l'ai expliqué ici notre support identificatoire contemporain. Attention, je dis pas que cet homme n'existe pas : je dis simplement que cet idéal est au moins aussi illusoire que celui de la mère de famille moderne auquel je tordais le cou l'autre jour.
Alors c'est vrai, le mari contemporain, il SAIT cuisiner, il SAIT s'occuper des enfants, il SAIT passer le balais et il SAIT même récurer les chiottes. Les compétences techniques sont acquises chez cet version moderne de l'être humain mâle, et puis bon hein, au final c'est pas non plus des compétences ultra complexes, je dirais même que c'est à la portée de tout être humain.
Mais dans les faits, quand même, au quotidien, majoritaires sont les couples où l'on ne peut pas dire que ça corresponde à la répartition équitable que l'image du couple moderne véhicule.
Peut-être vous reconnaitrez-vous dans cette femme qui râle,revenant d'une journée chargée, en voyant que la table du petit dèj est restée telle quelle alors qu'elle part travailler avant la fin dudit petit dèj. Ou dans cette autre qui doit lui énumérer ce qu'il reste encore à faire (et que lui ne pense pas à faire) avant de pouvoir se poser, pour que son conjoint percute et vienne vider le lave vaisselle. Ou dans celle qui, si elle ne se lève pas pour faire à manger, bin, on peut attendre longtemps et avoir faim longtemps. Peut être vous reconnaitrez vous dans la femme qui dit parfois que tout cela ne se fait pas par l'opération du saint esprit, que la poussière ou la crasse ne s'en va pas d'elle même, que les caleçons ne courent pas dans la machine à laver et sont encore moins autonettoyants.
Je fais partie de ces femmes pourtant moderne qui, des fois, demandent à leur mari s'il pense qu'il y a une règle cosmique qui dirait que tout ça (l'anticipation, la planification, de toutes ces tâches du quotidien afin que nous nou nourrission, que nous nous habillions, que vous mangions dans de la vaisselle propre), est dédié à la gente féminine. Ou que la gestion des affaires des enfants (lavage, pliage, rangeage, achat quand c'est trop petit ou plus de saison) soit, pour une raison paranormale, du domaine féminin.
Moi, donc, je dis tout ça. Des fois je fais de l'humour, des fois je râle, des fois je m'en contrefous.
Mais je n'ai pas honte d'avoir à dire ça, et je n'ai pas non plus honte de mon mari.
Car ensuite, une fois qu'on a dit tout ça, et répété, on fait quoi?
On le jette à la poubelle ?
On divorce?
On lui arrache les poils de nez un par un ?
On le pend par les coronès? (spéciale dédicace à JulietteM'Appelle )
On lui fais un procès?
NON.
Dois-je me justifier et vous dire qu'il s'améliore chaque jour, vous dire TOUT ce qu'il fait à côté et que moi même je ne fais pas, parce que je déteste, parce que j'ai la flemme, parce que je ne sais pas faire, parce que ça me passe largement au dessus de la tête, parce que ça ne m'intéresse pas ? Non plus.
Je n'ai aucun compte à rendre, à personne, ni m'excuser de ne pas avoir "choisi" un mec satisfaisant les standards imaginaires modernes d'équité-parfaite-pouet. Et je vais vous dire une chose, et c'est vraiment le message que je veux passer aujourd'hui : personne, aucune femme, ne devrait avoir à le faire.
Et si on décidait de lâcher la grappe aux femmes, après tout, et à s'adresser directement aux hommes pour ces questions? Hein? Chiche !
Mieux, si on laissait les couples contemportains, hommes et femmes (et même les couples homo/lesbiens tiens, qui sont eux aussi influencés dans leur construction par l'héritage ancien et la norme moderne !), ensembles mener leur propre révolution quotidienne, individuelle, familiale, comme des grands, sans jugements ?
Et surtout, et si on gardait à l'esprit que sur les réseaux sociaux, on a accès qu'à une minuscule partie de la vie des gens ? Et que de tels raccourcis, c'est relou ? Croyez vous que la question ne se pose pas et qu'on accepte la situation sans broncher et sans la faire changer? Doit-on mettre un disclamer avant chaque intervention concernant les tâches quotidiennes "oui alors je précise je ne vais pas trop parler de mon mari sur ce coup là mais promis-juré-il-fait-plein-de-trucs que je-ne-fais-pas-et-il-a-plein-de-qualité-etc-etc"?
Quand on ne connait rien de la vie des gens, de leur rencontre, de leur histoire, de l'équilibre qu'ils ont trouvé, de leur caractère à chacun, des compromis qu'ils ont adoptés, qui est-on pour décider qu'il faut une participation-de-tant sur le ménage et la bouffe sinon c'est pas équilibré? Qui est-on pour décider qu'il n'y a qu'un point possible d'équilibre?
Finalement, s'il y a bien un truc qui m'agace en ce moment, c'est la facilité avec laquelle les uns jugent les autres sans connaitre leur histoire.
Rappelons-nous que notre société est issue de millénaires de fonctionnement patriarcal où l'homme traditionnellement ne s'occupait pas du quotidien. Il s'occupait de protéger et nourrir sa famille, au sens propre du terme. Tout ce qui s'est transmis de génération en générations pendant des millénaires, c'était cet instinct.
Les choses doivent bouger, et les choses bougent, et c'est tant mieux, parce que le rôle et la place des femmes a évolué, une évolution qui rend nécessaire une évolution complémentaire du rôle et de la place de l'homme, qui soit adapté à son temps. Protéger et nourrir sa famille n'ont plus le même sens maintenant qu'au moyen âge ou même au'au 19e siècle ! Mais la transformation est lente, 70 ans sur l'échelle de l'évolution, c'est très peu, c'est le début, et les choses évoluent peu à peu, au fil des transmissions entre les générations.
Dans la génération adulte actuelle, les hommes se trainent tout une série de réflexes et de schémas de pensée inconscients hérités de l'histoire, de l'éducation et de la transmission intergénérationnelle. La reconnaissance du droit des femmes à l'indépendance n'est pas si lointaine, et les progrès sont déjà énormes. Ce n'est pas une excuse (je te vois bien toi, homme, au fond de la salle, te dire "enfin une qui me comprend" !) pour en faire une excuse et se dire "c'est pas moi, c'est mon histoire". En tant qu'homme, être humain mâle je veux dire, il vous incombe aussi d'être actif dans ce processus de changement, à votre niveau également, SI SI.
Mais, au lieu de renvoyer dans les buts les femmes qui n'ont pas un mari suffisament "fifty fifty", et leur infliger la double peine de lutter chaque jour au sein de leur propre couple pour faire évoluer la société ET de devoir se prendre en pleine face le boomerang envoyé par leur propres pair(e?)s parce que ce n'est pas encore assez ou pas encore assez visible, et si on se concentrait sur quelque chose de vraiment essentiel, par exemple et au hasard, l'éducation des enfants, de tous les enfants, de sorte qu'ils ne considèrent jamais qu'il existe des catégories d'êtres vivants présentés comme moins forts physiquement, ou encore comme moins intelligents, comme le furent les femmes, mais aussi les enfants, les handicapés, les noirs ou comme le sont encore les animaux, qui seraient potentiellement inférieurs et qui de ce fait auraient moins de droits que d'autres? Il s'agit d'une éducation antispéciste, j'en parle ici, ou là, l'antispécisme étant pour moi le préambule à toute construction sociale ancrée résolument dans un réel égalitarisme.
Oui, mais l'éducation par l'exemple? Que nos enfants apprendront-ils de l'égalité entre les hommes et les femmes s'ils me voient beaucoup plus souvent manier le balais et les casseroles, et mon mari, la perceuse et les gros mots ? Je vous répondrai que notre vie ne se résume pas à ce cliché. Qu'elle est infiniment plus riche. Que nos enfants évoluent dans un univers où nous parlons de tout ça, avec des mots simples. Ils vont donc apprendre que les adultes ne sont pas parfaits, qu'ils font parfois des erreurs, qu'ils ont parfois du mal à changer ou maitriser leurs comportements, mais qu'en discutant, en réfléchissant, en se soutenant, on progresse et on avance. Qu'il est permis de n'être pas parfait, que ce n'est pas un obstacle au fait d'être aimé, et qu'il faut bien pour s'améliorer partir de quelque part.
Alors, la prochaine fois que j'entendrai "Tu ne parles pas de ton mari, il ne fait rien? " avec le sous entendu "tu as conscience que ce n'est pas normal ?" ou encore "ma pauvre, chez moi ça serait niet", je répondrai : "Parles moi de l'éducation que tu donnes à tes enfants, comment leur expliques tu le respect et l'égalité de tout être vivant, de manière concrète, au quotidien?"
Vous qui avez lu l'article jusqu'au bout, j'espère que vous avez compris qu'il n'a surtout pas pour but que les personnes qui le lisent disent en retour comment se passe la répartition chez eux et pourquoi. Mais au contraire, il a pour but de dire, réellement, qu'on a PAS à se justifier sans cesse là dessus. Qu'on doit se sentir libres de ne pas se justifier. Qu'il faut lâcher du lest là dessus aussi parfois, que "à bas le perfectionnisme", ça s'applique aussi à ce que l'on attend de l'autre. Que l'équilibre d'un couple ne se résume pas au partage des tâches ménagères, pas pour tous les couples du moins, et qu'il faut l'accepter et lâcher la grappe de toutes les nénettes qui n'ont pas un mari qui participe, mais qui pourtant, sont suffisamment bien dans leurs vies pour ne pas le quitter.